Beaucoup de musulmans soutiennent que le Coran contient des merveilles mathématiques qui ne pourraient avoir pour auteur que Dieu lui-même. Un exemple de ces merveilles mathématiques, dit-on, est le parallélisme numérique : le mot mois apparaît douze fois dans le Coran, le mot jour apparaît 365 fois, les mots homme et femme apparaissent un nombre égal de fois, de même, les mots ange et Satan apparaissent un nombre égal de fois, quant aux expressions ce monde et l’autre monde, ils apparaissent aussi un nombre égal de fois. Un tel parallélisme numérique ne pourrait être que le résultat d’un esprit divin comme auteur du texte.
Outre ces motifs numériques récurrents, il y a dans le Coran un code caché. Le Dr Rashad Khalifa, érudit musulman vivant aux États-Unis, a écrit un livre intitulé The Perpetual Miracle of Muhammad. Il raconte qu’il a été fasciné par le verset du Coran (Sourate 74:30) qui déclare : « Au-dessus, il y a dix-neuf ». Lorsqu’on analyse le texte du Coran à la recherche de motifs numériques, on commence par trouver le nombre dix-neuf partout. Nous n’en donnerons que quelques exemples : le nombre total de chapitres dans le Coran est divisible par dix-neuf ; la première révélation du Coran contenait dix-neuf mots ; et le premier chapitre révélé, dans l’ordre chronologique, contient dix-neuf versets et un nombre total de mots qui est divisible par dix-neuf. Des dizaines d’exemples de ce genre peuvent être trouvés, or le nombre dix-neuf n’est pas le moindre des nombres premiers, ce qui rend très peu probable l’apparition de ce motif numérique dans un texte. Étant donnés : la présence de ce verset coranique concernant le nombre dix-neuf, la rareté du nombre, et la prévalence du motif numérique, nous pouvons avoir confiance qu’Allah est bien l’auteur du texte.
RÉPONSE : DE QUELLE FAÇON CE NOMBRE EST-IL PARTICULIER ?
Bien que de nombreux Musulmans trouvent l’argument des motifs numériques convaincants, honnêtement, cela n’a jamais été mon cas. Toutes sortes de motifs numériques étonnants peuvent être trouvés dans le monde autour de nous, il suffit de les chercher. Si vous cherchez bien, et si vous choisissez vos paramètres, vous trouverez de tels motifs numériques.
Et nous savons que c’est exactement ce qu’a fait la personne qui « a découvert » le motif numérique dix-neuf dans le Coran. Il a fallu à Rashad Khalifa, qui a publié un texte sur ce motif numérique, environ 250 pages pour soutenir que le nombre dix-neuf a été trouvé sous cinquante-deux formes différentes dans le texte du Coran ! Selon un érudit musulman connu, Bilal Philips : « La plupart des musulmans ont accepté aisément et sans arrière-pensée les revendications de Khalifa présentant son argumentation avec l’aura d’un fait scientifique »[1]. Mais certains musulmans ont critiqué l’argument du dix-neuf, en mettant en avant les défauts majeurs qui se trouvent dans le raisonnement de Khalifa. Philips en personne a écrit tout un traité contre lui intitulé The Quran’s Numerical Miracle: Hoax and heresy (Le miracle numérique du Coran : duperie et hérésie). Il y réfute toutes ces absurdités, et démontre, preuves à l’appui, que les chiffres donnés par le Dr Khalifah sont bien loin de la réalité.
Philips y déclare : « La théorie « des dix-neuf » est un canular mal conçu et incapable de résister à un examen scientifique sérieux. »[2] Une partie de la réponse de Philips à Khalifa se rapporte au verset que Khalifa cite, 74.30-31. La lecture du texte en entier, dans le cas qui nous préoccupe, indique que le nombre dix-neuf se réfère au nombre d’anges qui veillent sur le feu de l’enfer, et non à des motifs numériques miraculeux qui se trouveraient dans le texte du Coran. Tout comme nous avons vu d’autres le faire avec les « prophéties » coraniques, Khalifa a simplement tiré les mots hors de leur contexte et essayé de les adapter à sa théorie.
Une autre partie de la réponse de Philips concerne la méthode inconséquente et les sélections arbitraires dans les textes utilisés pour argumenter en faveur du nombre dix-neuf. « En utilisant la méthode inconséquente du Dr Khalifa, qui consiste à concocter des multiples, » affirme Philips, « il est également possible d’établir le chiffre 8 comme l’axe du code numérique miraculeux du Coran »[3], et il poursuit en donnant huit raisons.
La majeure partie de la réponse de Philips à l’argument de Khalifa fait une analyse systématique des publications et des calculs de Khalifa, et conclut que Khalifa a « fabriqué de toute pièce certaines données pour créer artificiellement des totaux de nombre de lettres qui sont des multiples de dix-neuf »[4]. Non seulement Khalifa fait un compte inconséquent des lettres et des versets, suivant « un système aléatoire d’identification de mots qui contredit totalement les règles classiques et modernes de la grammaire arabe », mais de plus il va jusqu’à rejeter deux versets du Coran afin de permettre à ses calculs de fonctionner. Les arguments de Philips contre les « motifs numériques miraculeux » sont convaincants, tout comme sa conclusion que Khalifa était disposé à modifier le texte coranique simplement pour en rendre les données utilisables.
De même, l’argumentation en faveur des « merveilleux parallèles numériques » semble traiter le texte de manière inconséquente et en altérer la formulation verbale. Par exemple, le Coran n’utilise pas le mot jour 365 fois. Il l’utilise 360 fois, et pour que cinq autres occurrences soit comptabilisables, les partisans de l’argument sont obligés de trafiquer les données afin de permettre à des mots qui ne sont pas exactement le mot jour d’être comptabilisés. Il en est de même pour le nombre d’occurrences du mot mois, de même que les occurrences censées être parallèles des mots homme / femme et ce monde / l’autre monde. Puisque l’arabe est une langue sémitique et utilise un système racinaire trilittéral, différents mots sont très semblables dans leur orthographe, ce qui est souvent utilisé par ceux qui sont prêts à manipuler les données pour rendre crédible leur argumentation.
Pour résumer notre réponse à l’argument des « merveilleux motifs numériques », je citerai les derniers mots de Philips : « On peut conclure que la théorie du nombre dix-neuf comme code numérique miraculeux du Coran n’a aucune base dans les textes coraniques. Quant aux quelques exemples où le nombre dix-neuf et ses multiples apparaissent, ce sont de simples coïncidences qui ont été gonflées de manière disproportionnée. »[5]
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[1] Abu Ammeenah Bilal Philips, The Quran’s Numerical Miracle: Hoax and heresy, page 15
[2] Ibid
[3] Ibid
[4] Ibid
[5] Ibid, page 102